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Interview de Virginie Raymond, Directrice de l’association Saint Jean Bosco

Interview de Virginie Raymond, Directrice de l’association Saint Jean Bosco

L’Atelier Chantier d’Insertion Bosco Nutri Lokal, existant depuis 2017, vise à remobiliser les hommes et les femmes au travers de la production maraîchère biologique, de l’horticulture et de l’entretien des espaces verts.
Virginie Raymond

Virginie Raymond

Directrice Saint Jean Bosco - Apprentis d’Auteuil

Pouvez-vous présenter l’association ?

Saint Jean Bosco est une association loi de 1901 créée en 2015 qui porte les missions et les engagements de la Fondation Apprentis d’Auteuil en Guadeloupe. J’en suis Directrice depuis 2023.

Saint Jean Bosco met en œuvre des dispositifs à destination de la jeunesse Guadeloupéenne et Saint-Martinoise, complémentaires, cohérents et répondant à des besoins identifiés.

L’association est convaincue que chaque jeune, quels que soient ses échecs et ses blessures, est une source d’énergie et de talents. Elle veut leur permettre de se réaliser, de s’engager en confiance dans la société et de bâtir avec eux un monde plus juste et respectueux de la dignité de chacun.

Ainsi, depuis 1947, le site de Saint Jean Bosco est dédié à la jeunesse et l’association y porte des actions de remobilisation vers l’emploi pour des jeunes de 16 à 29 ans, ainsi qu’un atelier Chantier d’Insertion (Bosco Nutri Lokal) dont l’objectif est de réhabiliter ses terres agricoles en un site pilote dédié à la fois à l’insertion socio-professionnelle dans un système de production agroécologique, et à l’animation socioéconomique autour des produits agricoles à fort potentiel nutritionnel. Mais également deux dispositifs de protection de l’enfance à Saint Martin.

Pouvez-vous nous en dire plus sur le projet Bosco Nutri Lokal que soutient la Fondation Albioma ?

Notre projet Bosco Nutri Lokal a vu le jour en 2017. C’est un Atelier Chantier d’Insertion (ACI) porté par le Pôle Insertion par l’Activité Economique, qui accompagne et forme des personnes éloignées de l’emploi aux métiers du maraichage biologique, de l’horticulture, de l’entretien des espaces verts et de l’agro transformation avec notre projet d’agro transformation, pour lequel nous avons sollicité le soutien de la Fondation Albioma. Toutefois, notre ACI n’a pas pour unique but l’apprentissage d’un métier agricole mais bien la réadaptation à une situation d’emploi et la resocialisation des personnes.

À qui s’adresse-t-il et en quoi consiste l’accompagnement proposé ?

Notre projet s’adresse aux personnes bénéficiaires du RSA très éloignées de l’emploi.

L’accompagnement est technique, pédagogique et social à travers ses différentes actions : la formation, avec la mise en situation professionnelle de production qui permet aux salariés en insertion de développer des savoirs faire dans la production végétale et dans une démarche agroécologique, la découverte des métiers de la vente lors des marchés, livraisons et prestations d’espaces verts, et l’acquisition de techniques d’aménagement du paysage, notamment grâce aux plantes ornementales issues de notre pépinière.

Nous leur proposons également des formations certifiantes et diplômantes (Certificat de Qualification Professionnelle salarié polyvalent, Certificat d’Aptitude à la Conduite en Sécurité, Sauveteur Secouriste du Travail, vente…), un suivi socio professionnel individualisé, un plan d’action personnalisé piloté par nos conseillers Emploi-Formation-Insertion, des ateliers collectifs, des stages d’immersion professionnelle et une aide à la mobilité.

Quels sont les spécificités de ce projet et en quoi s’inscrit-il dans des problématiques locales ?

Un tiers de la population en Guadeloupe vit sous le seuil de pauvreté ; l’absence de diplôme ou d’emploi représente un déterminant majeur. En 2019, selon l’INSEE, près de 135 000 personnes, soit près de 35%, vivent sous le seuil de pauvreté national (fixé à 1010 €/mois) en Guadeloupe, contre 14% en métropole. Par ailleurs, deux Guadeloupéens sur cinq sont en situation de privation matérielle et sociale, soit près de trois fois plus qu’en France métropolitaine.

Selon l’INSEE, « l’absence d’emploi (chômage, inactivité) explique en premier lieu le taux de pauvreté élevé en Guadeloupe. » Celui-ci s’élève à 83% en Guadeloupe « pour les individus vivant dans un ménage dont la personne de référence est au chômage ou sans emploi (20% de la population) », contre 23% pour ceux dont la personne de référence est en emploi en Guadeloupe en 2017.

Concernant le déterminant du diplôme sur la pauvreté, le taux de pauvreté s’élève à 48% en 2017 chez les guadeloupéens vivant dans un ménage dont la personne de référence n’a pas le diplôme contre 16% pour les individus ayant un diplôme équivalent ou supérieur au bac.

La crise écologique et le Covid ont accentué la nécessité pour la Guadeloupe de développer une filière d’agro-transformation solide afin de faire face aux défis de la dépendance alimentaire. Le territoire cherche à développer des produits phares pour l’autonomie alimentaire en encourageant une filière artisanale en agro-transformation.

D’autre part, la santé en Guadeloupe est marquée par une forte prévalence des maladies chroniques liées à l’alimentation et au mode de vie. Ces maladies sont très fortement corrélées au statut socio-économique des personnes et on note une augmentation du nombre de personnes en précarité alimentaire.

La Guadeloupe connaît également une situation de dépendance alimentaire majeure, le marché domestique est approvisionné à près de 75% par des produits importés.

Pour finir, concernant les enjeux environnementaux, 79% du gaspillage alimentaire en Guadeloupe se fait à l’étape de la production agricole et alimentaire (ODG, 2017). De plus 23% de la population est sujette à forte exposition à un cocktail de produits chimiques liés à l’agriculture et l’alimentation.

Afin de répondre à ces enjeux et défis particulièrement importants pour le territoire, la région soutient le développement de la filière agro-alimentaire depuis quelques années ainsi que l’Etat, via les mesures FEADER, démontrant une pertinence à développer l’ACI Bosco Nutri Lokal dans ce contexte.

Sur quels aspects va se porter le soutien de la Fondation Albioma ? Que cela va-t-il permettre ?

Le soutien de la Fondation Albioma va se porter sur le déploiement de notre atelier d’agro transformation. La subvention perçue permettra la construction de l’atelier et l’achat de matériel et fournitures pour la mise en œuvre de l’activité agro transformation.

Dans les mois/années à venir, quelles sont les futures évolutions du projet ?

Dans les années à venir, nous souhaiterions envisager dans le même espace où sera localisé l’atelier d’agro transformation, la création d’un espace de vente et de découverte de nos produits de la production maraichère et de l’agro transformation. De plus nous souhaiterions ainsi pouvoir proposer des temps de présentation de notre activité et d’animation d’ateliers en direction de nos partenaires ou d’autres publics (personnes en situation de handicap, personnes âgées, élèves, …).